L’édition du fac-similé de Madame Bovary

 
Cher vieux, (...) Laisse-nous «maîtres» de ton roman pour le publier dans la «Revue», nous y ferons faire les coupures que nous jugeons indispensables ; tu le publieras ensuite en volume comme tu l’entendras, cela te regarde. (...) Tu as enfoui ton roman sous un tas de choses, bien faites mais inutiles, on ne le voit pas assez ; il s’agit de le dégager, c’est un travail facile. Nous le ferons faire sous nos yeux par une personne exercée et habile ; on n’ajoutera pas un mot à ta copie, on ne fera qu’élaguer ; ça te coûtera une centaine de francs qu’on réservera sur tes droits et tu auras publié une bonne chose vraiment bonne, au lieu d’une oeuvre incomplète et trop rembourrée.

Maxime Du Camp, co-directeur de la Revue de Paris

Alinéa, les éditions Point de vues et la Librairie Élisabeth Brunet célèbrent cet anniversaire en éditant le fac-similé de l’exemplaire de la Bibliothèque Historique de la ville de Paris annoté et corrigé par Gustave Flaubert, Madame Bovary, moeurs de province.

Du 1er octobre au 15 décembre 1856, la Revue de Paris publie dans six numéros consécutifs un roman inédit, Madame Bovary. Elle a exigé de son auteur des coupes et censuré certaines scènes. S’en sont suivis un procès pour outrage aux bonnes moeurs et à la morale publique et religieuse puis un acquittement. Dès qu’il reçoit l’un des volumes de l’édition originale en avril 1857, Flaubert, désireux d’éterniser la bêtise du Censeur, reporte une par une les corrections exigées et commente la suppression imposée de quelques scènes-clés : la noce, les comices, le fiacre, le pied-bot. Il procède très minutieusement. Au crayon d’abord, il met les passages concernés entre crochets ; il barre d’un trait horizontal les fragments courts, d’une croix de saint-André les plus longs.

Puis, à l’encre, il encadre presque toujours le morceau visé et, quelquefois, il repasse à la plume sur les rayures au crayon.Paradoxe de la rature, ce qui immédiatement saute aux yeux, c’est la violence de la mutilation : parce que le Censeur transforme le mot raturé en trait saillant, lui donnant une force qu’il n’avait pas nécessairement dans le corps du texte. Et c’est presque une autre Madame Bovary que l’on découvre, une Bovary décolorée, aseptisée, une Bovary de bon goût, enfin acceptable, privée de son "immoralité" supposée : immoralité de mot - tout ce qui touche à la chair, à la physiologie est épinglé par le Censeur - immoralité de situation, comique de caractère atténué. Premier écrivain sans doute dans l’histoire littéraire à inscrire rétrospectivement dans le corps même du livre l’un des moments douloureux de sa genèse, Flaubert montrait volontiers cet exemplaire-témoin à ses amis. Cent cinquante ans plus tard, grâce à ce fac-similé, son objectif est désormais atteint : faire sortir la censure du cadre privé du manuscrit afin que la postérité puisse juger.
 
Coédition Alinéa, Editions Point de vues, Elisabeth Brunet
 
• 2 volumes de 240 et 264 pages sur Centaure 90 g.
• 1 plaquette de 64 pages sur le même papier.
• Notice d’Yvan Leclerc, lettres de Flaubert, note inédite de Flaubert à Maître Senard, reproductions de pages manuscrites, extraits du réquisitoire, de la plaidoirie et des arrêtés du jugement.
• Format : 18,5 x 12 cm
• 2000 exemplaires sous emboîtage
• 150 exemplaires numérotés sur vergé de Rives : 120 €
• Prix public : 29 €
ISBN 13 : 978-2-910776-17-6
ISBN 13 : 978-2-915548-14-3
EAN : 9782915548143

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